mercredi 20 avril 2016

Jean-Christophe Norman

constellation walks CAC Vilnius 2008

Extraits...
360 degrés en 24 heures — la marche et le travail de Jean-Christophe Norman En 2008, l'artiste français Jean-Christophe Norman s’est lancé dans un projet exhaustif d'écriture et de marche systématiques qui s'inscrit dans la continuité d’une pratique de plusieurs années basée sur la déambulation et l'écriture. Le projet a été divisé en parties distinctes dans chacune des villes où il a été réalisé : Night & Day (2008) et Vilnius Constellation Walks (2008). Plusieurs fragments de ces projets ont été exposés en différents lieux au cours de l'année 2008. Ces expositions se poursuivront également en 2009. At Any Time, qui présente son exploration méthodique de New York en mai 2008, a été exposé au Centre d'Art Contemporain de Besançon (Franche-Comté). Des versions de Vilnius Constellation Walks et Night & Day sont actuellement présentées au Centre d'Art Contemporain de Vilnius où il a séjourné pendant l’été 2008 et a commencé ses marches pour ces deux projets et bon nombre de ses « surfaces » d’écriture de temps. Sur la façade du bâtiment, l’une de ses surfaces d’écriture réalisée spécialement pour l’occasion sert de support promotionnel à la grande exposition dont le projet de Norman est la pierre angulaire (et détourne ainsi la signalétique promotionnelle traditionnelle qui présente habituellement une photographie de l’artiste et sa description). Dans ce cas précis, les piétons et les automobilistes doivent réfléchir pour découvrir le thème de l’exposition au Centre d'Art Contemporain – ils deviennent spectateurs qu’ils en soient ou non conscients. Selon la logique habituelle de Norman, la surface d’écriture est une révélation textuelle du moment où commence l’acte d’écriture (en haut, à gauche) – exprimé en jours, heures et minutes – jusqu’au moment où il se termine (en bas, à droite).
(...)
Dans son livre L’invention du quotidien (1984), Michel De Certeau décrit plusieurs façons de radicaliser l’existence quotidienne pour éviter ou résister à la déresponsabilisation des consommateurs ou des citoyens d’une ville, qu’il nomme « modes opératoires » ou « tactiques de la vie quotidienne ». De manière importante, en se référant à ses théories sur le travail d’un artiste, De Certeau appelle ce mode de vie une « pratique » ou une œuvre. De Certeau réduit essentiellement les concepts d’espace et d’habitat à ceux de la lecture et de l’écriture : il est certain que le mouvement idiomatique à travers la métropole est une forme d’écriture ou de dessin – pensez à Artaud à l’asile – et les « lignes d’erre » ou « trajectoires d’errance ». Nous pourrions imaginer un artiste – tel que Norman – comme un opérateur modèle dans cette économie de signes : spécialement si nous mesurons sa « pratique » en opposition à l’infrastructure de l’art – plutôt que de la ville – car il ne produit ni objet ni vue narrative de l’espace que (re)présente son travail – comme l’exigent les consommateurs d’art et les citoyens de ses institutions. Son écriture sur le sol de la ville se fait à la craie qui, contrairement aux bombes de peinture toxique qu’utilise l’auteur de graffiti, est éphémère et ne laisse aucune trace dans les strates de la structure urbaine. Pour citer De Certeau, Norman « emprunte l’espace comme un nomade » et crée une nouvelle langue ou de « nouvelles tournures de phrase ». La disparition de son texte et l’immanence de sa vidéographie sont thérapeutiques dans la mesure où elles laissent la ville effacer elle- même les traces de son passage et les autres opérateurs développer leurs propres inspirations par la suite. Une histoire de ce genre qui veut embrasser de longues périodes ou l’histoire universelle tout entière doit véritablement renoncer à la représentation individuelle du réel et se résumer en abstractions non seulement en ce sens que des événements et des actions doivent être omis, mais aussi en ce sens que la pensée est le plus puissant abréviateur. Une bataille, une grande victoire, un siège qui ne sont plus eux-mêmes, mais se contractent en simples déterminations. Quand Tite-Live raconte les guerres des Volsques, il dit parfois assez brièvement : cette année, on a fait la guerre aux Volsques. — G.W.F. Hegel, Leçons sur la philosophie de l’histoire, 19 (1822-1830) L’alpinisme et l’exploration sont essentiellement des quêtes concurrentes caractérisées par la cartographie d’un terrain et la performance d’une structure spatiale (le sommet n’est plus séparé de la base par les nuages mais traversé par le grimpeur) — qui s’apparentent à une conquête coloniale (qui est un sport à sa façon). Les deux exploits majeurs du XXe siècle en termes d’aventure ont été l’ascension du Mont Everest et la traversée du Pôle Sud. L’auteur de ce texte vient de Nouvelle-Zélande – cette petite nation largement citée dans les annales des expéditions polaires et de l’Everest : tout comme Edmund Hillary, le premier homme à avoir gravi le plus haut sommet du monde en 1953 (avec le sherpa Tenzing) et traversé le Pôle Sud en 1958. Nombreux sont les explorateurs qui ont réussi à atteindre le pôle avant lui, mais aucun n’est parvenu à faire le chemin du retour (les plus célèbres Roald Amundsen et Robert Scott sont morts en 1911 en tentant de réaliser cet exploit). Les explorateurs de l’Antarctique venus de l’hémisphère nord ont effectué leur dernière halte à Christchurch sur l’île sud de la Nouvelle-Zélande avant de partir pour le Pôle. En général dans les annales, on se souvient du premier arrivé au sommet au détriment des personnes qui y ont échoué tout près du but. En 1952, des alpinistes français et suisses ont presque réussi l’ascension de l’Everest — des théories affirment qu’ils ont effectivement réussi mais ont péri dans la descente. Jean- Christophe Norman est fasciné par ces histoires de quêtes et particulièrement par leur dimension cartographique. Les cartes sont essentiellement une projection ou une « prédiction » d’un aménagement spatial et sont confirmées sur le terrain. Les côtes sont cartographiées depuis les navires et les limites intérieures restent un terra nullius (territoire sans maître) tant que personne n’y a marché. (La carte parfaite est celle décrite par Jorge Luis Borges puis, à son tour, par Umberto Eco, qui est superposée à une échelle 1:1 sur la surface de la Terre — un exercice de graphomanie mégalomaniaque équivalent à la mesure des explorateurs et des alpinistes). En abandonnant l’escalade et en poursuivant une lecture historique sur ce sujet, Jean-Christophe Norman a pu retracer les contours physiques de nombreuses cartes — s’assurant que son existence rend la ville de Vilnius réelle — et débattre sur les dimensions romantiques et réelles de l’alpinisme et de l’exploration avec des personnes comme l’auteur de ce texte.
PARING THE APPLE

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